Dans ce chapitre, nous allons aborder la réception sous un autre angle et déterminer (ou du moins essayer) de comprendre quelques notions fondamentales concernant celle-ci. De plus ce chapitre nous permettra de décoder ce qui se cache sous les chiffres annoncés par les constructeurs. | |
Vous venez de déballer votre tout nouveau jouet provenant du Japon et impatient vous le mettez sous tension et y connectez une antenne. C'est le bonheur, l'engin brille de tous ses feux. Si vous possédez un autre récepteur ou transceiver, il vous vient immédiatement à l'esprit d'effectuer des comparaisons et là le doute vous envahit. | La mariée est moins belle que prévue, la merveille semble moins agréable à écouter que l'autre récepteur, il y du bruit, l'écoute ne semble pas limpide etc. Vous n'y comprenez plus rien d'autant que le prix des nouveaux transceivers est conséquent. Voyage dans le monde des récepteurs... |
Notion
fondamentale : le bruit |
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Quand il fait 20°C dans notre habitation, nous nous sentons bien. Cette température n'a rien d'excessive pour un corps humain et pourtant c'est déjà une température élevée pour la matière surtout si l'on compare cela à la température la plus basse que l'on puisse atteindre. | Cette température s'appelle le
0 (zéro) absolu et vaut -273,15 °C. Vous la retrouvez souvent sous la forme de : 0 K ou 0 Kelvin en référence à Lord Kelvin, l'inventeur. |
La conversion
degrés Celsius (le centigrade n'existe plus) par rapport à Kelvin vaut : K = °C + 273, 15 °C = K - 273,15 |
Exemples : 20° C valent combien de K ? 20 + 273,15 = 293,15 K |
A 0 K (-273,15 °C) il n'y a plus aucun mouvement d'électrons ou plus généralement d'agitation thermique dans la matière, dès que cette température s'élève un tant soit peu, l'agitation thermique apparaît. Plus la température croît, plus l'agitation thermique croît. | Vous devinez qu'à 293 K (20°C) l'agitation est sévère. Or mouvements désordonnés d'électrons dans la matière équivalent à courants et courants dans la matière équivalent à bruit dans un récepteur. Branchez votre récepteur sur une résistance de 50 W, le bruit blanc que vous percevez (le souffle) est dû à l'agitation thermique ! |
Intuitivement on imagine facilement que ce bruit généré par l'agitation thermique va ipso facto constituer une limite infranchissable car tous les composants d'un récepteur vont être soumis à ce phénomène. La plus petite résistance, la plus petit morceau de fil, le moindre condensateur, enfin bref tous les constituants vont générer du bruit. | |
Quantification
du bruit thermique : |
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Il s'agit d'une
célèbre formule que vous allez retrouver partout dans la littérature amateur. Elle vous indique pour une bande passante donnée (nous en SSB on travaille à +/- 2400 Hz) à une température donnée (température ambiante) quelle sera la valeur de la puissance de bruit due à l'agitation thermique. |
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P = puissance du bruit en Watt k = constante de Boltzmann 1,38 10-23 B = bande passante en Hz T = température en °K |
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P= 1,38 10-23 x 2400 x 293 = 9,7 10-18 W |
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PdBm = 10 Log ( 9,7 10-15 ) = -140 dBm |
A quoi cela peut-il nous servir
? La réponse est simple, nous venons de calculer la puissance du bruit due à l'agitation thermique à une certaine température. Les signaux que nous recevons sur l'antenne peuvent également s'exprimer en puissance (ben oui pourquoi pas ?). |
Dans notre exemple, qui représente les conditions standards de trafic, il apparaît que notre récepteur (la résistance de l'exemple) génère naturellement un bruit de -140 dBm. Nous ne pourrons donc pas recevoir un signal provenant de l'antenne inférieur à cette valeur puisque celui-ci serait masqué par le bruit propre du récepteur. |
Ceci est une notion fondamentale qu'il faut bien appréhender. Il y a une limite physique à la sensibilité des récepteurs et cette limite est dictée (entre autres) par un phénomène naturel lié à la température. |
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Existe t'il d'autres
formes de bruits ? |
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Oui hélas, car jusqu'à
présent nous avons considéré notre récepteur comme totalement isolé du monde
extérieur. Or ce n'est pas le cas, il faut bien le relier à une antenne. Cette antenne
est couplée à son tour à son environnement et dans cet environnement il existe une
multitude de sources de bruit. Examinons les sources les plus connues. |
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Quel est le critère
qui peut caractériser la sensibilité d'un récepteur ? |
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La sensibilité est l'aptitude qu'à un récepteur de produire une valeur de puissance BF pour un signal modulé présent à l'entrée. Plus la puissance du signal d'entrée est faible plus le récepteur doit être sensible. | |
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Quantification de la sensibilité
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Le seul est unique critère qui définisse la sensibilité d'un récepteur est le facteur de bruit. Nous avons vu qu'il existe une limite à la sensibilité et que l'on ne peut pas recevoir un signal sous le bruit propre du récepteur. Or le bruit que nous avons calculé est le bruit minimum et malheureusement les récepteurs n'atteignent que dans de très rares conditions de telles performances. | Par
construction le récepteur va créer du bruit supplémentaire et le seuil théorique ne
sera pas atteint. La différence entre le seuil théorique est la valeur réelle de
bruit va constituer le facteur de bruit. Celui-ci sera exprimé en dB. Nous allons faire un rapide calcul pour vous éclaircir les idées. |
Nous avons précédemment calculé le seuil théorique minimum pour une bande passante de 2400 Hz à une température de 20°C. Ceci nous a donné comme résultat une puissance de bruit de -140 dBm. | Si notre récepteur (après mesures sérieuses dans un labo bien équipé) a un facteur de bruit de 6 dB, cela signifiera que le signal minimum qu'il puisse détecter aura pour valeur -140 + 6 = -134 dBm. |
Voyez ci-dessus ce
que cela donne graphiquement. Si nous positionnons sur une échelle les différentes
valeurs évoquées plus haut, en supposant le bruit du à l'agitation thermique égal à
-140 dBm et le facteur de bruit de notre récepteur égal à 6dB, nous pourrons commencer
à recevoir des signaux qui auront une puissance au moins égale à - 134 dBm, pas en
dessous. Notez bien que 0 dbm est une puissance très largement supérieure à -115 dBm, pas de confusion dans le sens de l'échelle ! |
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Quelle
est donc le facteur de bruit correct pour la réception ? |
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Il faut tout d'abord distinguer les bandes de fréquences utilisées. Sur les bandes décamétriques, le bruit extérieur est colossal et il est couramment admis qu'un récepteur sensible n'apporte rien (sinon des désagréments) | Sur 3,5 MHz, 25 dB de facteur de bruit ne sont pas un handicap, plus la fréquence croît plus le facteur de bruit doit diminuer. En pratique 15 dB de facteur de bruit, ce qui est facilement atteignable, est tout a fait correct, descendre sous cette valeur ne sert qu'à recevoir du bruit. |
En revanche en VHF, comme le bruit extérieur diminue, il est bcp plus important d'avoir un facteur de bruit le plus bas possible. Comme on n'a rien pour rien dans ce bas monde, la sensibilité liée à l'utilisation d'étages d'entrée à grand gain et faible bruit va s'accompagner d'une susceptibilité à la saturation et à la transmodulation | Les préamplis d'aujourd'hui (2000) avec transistors GaAsFET atteignent 0,2-0,3 dB de facteur de bruit ce qui est remarquable. Notez l'immense écart qui sépare un RX déca d'un RX V/UHF. |
Vous vous souvenez de la formule de calcul du bruit thermique, P=ktB, la température de fonctionnement est un critère important. Si nous voulons diminuer le facteur de bruit d'un préamplificateur, nous avons une solution qui n'est certes pas à la portée de l'amateur mais qu'on trouve en radioastronomie est qui consiste à refroidir le préampli et ce à une température très basse. Il s'agit alors d'un préamplificateur cryogénique. | |
Cas
d'une chaîne de réception : |
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Dans un récepteur, on trouve des éléments passifs (les filtres, les mélangeurs à diodes, filtre à quartz ) et des élément actifs (amplificateurs à transistors, mélangeurs à transistors). Chaque élément peut introduire des pertes, ou du gain. Chaque amplificateur aura un facteur de bruit propre et un gain propre. | Si pour
chaque étage de cette chaîne nous appelons G le gain et F le facteur de bruit, nous
pouvons écrire la relation suivante. Le facteur de bruit et le gain ne doivent pas être
exprimés en dB mais en rapport (ex 6 db = rapport de 4, 3dB rapport de 2, 10 dB rapport
de 10). |
F2-1
F3-1
Fn-1 F= F1 + ____ + ______ + _________ G1 G1 G2 G1 G2 Gn |
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On voit immédiatement ici que l'étage déterminant pour le facteur de bruit global d'une chaîne est le premier qui doit avoir un facteur de bruit le plus faible possible | Pour calculer
le "gain" d'un élément passif ( qui n'en a pas) il suffit d'appliquer : 1 G = _________ F Exemple : un filtre présente 3 dB de perte Son facteur de bruit sera de 3 dB soit rapport = 2 et son gain sera égal à 1/2 = 0,5. |
Exemple : |
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Nous avons la
chaîne suivante composée d'un filtre ayant 3dB de perte d'insertion, d'un mélangeur
passif ayant 6dB de perte et d'un amplificateur de facteur de bruit 3dB et de gain 20dB. Nous allons procéder comme suit : |
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On ne
trouve jamais le facteur de bruit sur les publicités : |
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C'est très rare on
trouve plutôt des expressions du genre sensibilité 0,5 µV pour 10 dB de S+B/B (signal + bruit sur bruit), ce n'est pas très parlant. Nous pouvons simplement faire la conversion sachant que 0,5 µV représente une tension sur 50 W Calculons la puissance que cela fait : U2 (0,5 10-6)2 0,25 10-12 P = ____ = ________ = _____________ = 5 10-15 W = 5 10-12 mW R 50 50 Nous avons ramené cela au milliwatt de manière à convertir en dBm plus facilement. en dBm : 10 Log (5 10-12 ) = -113 dBm La valeur initiale nus a été fournie pour 10 dB de S+B/B , donc S/B +1 = 10 donc S/b = 9 il vient -113 -9 = -122 dBm. Le niveau de bruit pour une bande passante de 2400 Hz est de -140 dBm on en déduit que le facteur de bruit du récepteur = -140 - (-122) = 18 ce qui fait 12,5 dB. |
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La bande que
j'écoute est encombrée de signaux qui disparaissent en insérant un atténuateur: |
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Votre récepteur gargouille de mille bruits et dès que vous insérer un atténuateur à l'entrée, il semble se calmer et même s'améliorer considérablement puisque des stations auparavant noyées sous le bruit de fond sont maintenant discernables, vous êtes une victime de plus de l'intermodulation. | |
Que s'est-il passé ? Observons la vue de gauche qui symbolise une station 1 émettant sur 7050 et une station 2 qui émet sur 7060 kHz. Jusque là rien d'anormal. Supposons maintenant que votre étage d'entrée soit saturé par ces deux stations, il va se mettre à fabriquer ce que l'on appelle des produits d'intermodulation, en clair des signaux qui n'existent pas. | |
Ces produits auront
pour valeur : 2F1 - F2 et 2F2- F1 (et également 2F1+F2 et 2F2+F1 mais ces signaux tombent hors bande écoutée), ils sont appelés produits du troisième ordre (2+1 ou 2-1), et apparaîtront dans votre récepteur deux autres émissions, l'une sur 7040, l'autre sur 7070 kHz. |
Tout ceci nous amène à parler du point d'interception, valeur apparue il y a quelques années sur les publicités pour les transceivers, chaque constructeur se battant à coups de dB tous plus flatteurs les uns que les autres. |
Le point
d'interception : |
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Incontournable publicitairement parlant, le point d'interception est devenu au fil du temps l'argument de vente majeur. Que cache t-il ? | |
Repérons
nous tout d'abord. Il s'agit des réponses face à deux signaux envoyés simultanément à l'entrée d'un amplificateur. En abscisse on note la puissance d'entrée, en ordonnée la puissance de sortie. La droite bleue indique la puissance de sortie en fonction de la puissance d'entrée des signaux désirés. A partir d'un certain moment, même si la puissance d'entrée continue de croître, la puissance de sortie est stable, ce point s'appelle le point de compression. (vous voyez qu' à partir d'un certain moment il est inutile de pousser l'excitation de votre amplificateur linéaire (ou presque) la sortie n'augmentera pas. La droite rouge indique le niveau, dans l'amplificateur, des produits d'intermodulation du troisième ordre, c'est ce que nous venons juste de décrire (2f1-f2 et 2f2-f1). Remarquez que la pente de cette droite est plus importante ce qui traduit que les produits du 3ème ordre augmentent beaucoup plus vite que les signaux utiles. Ces produits sont fabriqués par l'amplificateur. |
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Le point d'interception (qui est un point calculé et théorique) est le point ou l'amplitude des signaux d'intermodulation est rigoureusement égale à l'amplitude des signaux désirés (on en envoie deux pour provoquer l'intermodulation). Il suffit de faire une projection sur l'abscisse et de noter la valeur de la puissance d'entrée et nous obtenons le fameux IP3. | |
On peut en tirer
d'autres enseignements : Tout d'abord le facteur de bruit de l'amplificateur est représenté par la droite horizontale verte. A ce niveau se situe le plus petit signal que l'on pourra discerner. (MDS) Entre ce point est le point de compression de l'amplificateur, nous nous trouvons dans la plage dynamique de blocage de l'ampli. Inutile d'en vouloir plus, le récepteur ou l'amplificateur fonctionnera dans cette zone. |
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A partir de
données chiffrées nous pouvons calculer deux paramètres importants: |
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IP3 = (0,5 IMD) + Pin | Dr = 2/3 ( IP3 - MDS) |
IP3 = point
d'interception en dBm IMD = atténuation des produits d'intermodulation dB Pin = Puissance d'entrée des signaux F1 F2 dBm |
Dr = dynamic
Range (gamme dynamique) IP3 = point d'interception en dBm MDS = signal minimum discernable |
Et
du bruit de l'oscillateur local : |
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Tout récepteur possède un oscillateur local (OL en français ou LO in english). De la pureté spectrale de cet oscillateur vont également dépendre les performances du récepteur. Cela peut paraître éloigné et pourtant ... | |
Lors
de l'étude des oscillateurs, nous avons côtoyé une notion appelée
"Bruit de phase". Il s'agissait alors de définir un critère
permettant de qualifier un oscillateur. Le bruit de phase s'exprime en
dBc/Hz soit en décibel par rapport à la porteuse par Hertz. Peut-être
serait-il bon d'y revenir ? |
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On imagine qu'un oscillateur produit un signal d'une pureté cristalline qui, visualisé sur un analyseur de spectre, offre une magnifique et rectiligne raie. Hélas, en fonction de la technologie employée, on est loin de cette vision idéalisée. | |
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Un oscillateur pourra être considéré comme une sinusoïde pure à laquelle on rajoute une tension de bruit dont la phase évolue de manière constante et aléatoire | |
Quantification du bruit de phase : |
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Le bruit de phase, qu'on appelle également SSBPN (Single Side Band Phase Noise - on considère que le bruit est symétrique de chaque côté de la porteuse donc on ne mesure que d'un côté) est un rapport de puissance. Il s'agit du rapport de la puissance dans une bande passante de 1 Hz d'une fréquence fm éloignée de la porteuse à la puissance de la porteuse elle même. | |
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![]() Pn : Puissance du bruit à un écart de fréquence f dans une bande passante de 1 Hz Pc : Puissance de la porteuse. |
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Un
exemple : |
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Et
maintenant, l'influence du bruit de phase sur la réception : |
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Car c'est quand même l'objectif, savoir quels sont les effets d'un bon ou mauvais oscillateur local sur les performances du récepteur. Examinons cela avec un exemple simple : | |
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En Europe, nous sommes noyés sous les stations puissantes, plus particulièrement sur 40 m. Dans le cas précédent nous avons pris un exemple à 10 KHz mais sachez que la pente d'atténuation du bruit sur des synthétiseurs de mauvaise qualité n'est pas très raide et que l'on peut être victime de ce phénomène à des écarts de fréquence beaucoup plus importants. Autre phénomène aggravant, le bruit ramené par ce type de mélange est cumulatif, c'est à dire qu'un mélange "brouilleur" s'ajoute à ceux déjà présents, de quoi perdre les petites stations sous le bruit ! | |
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C'est fini pour ces quelques considérations sur la réception. On constate que les "vilains" brouilleurs ne sont pas tous de vilains brouilleurs mais que malheureusement le ver est souvent dans le fruit et que c'est notre récepteur qu'il faut avant tout verdict définitif, incriminer. A bon entendeur ... |